Qui était Madame de Forceville ?

Dernière châtelaine du Bourg-Saint-Léonard, Henriette de Forceville était profondément attachée à son village et à son château du XVIIIᵉ siècle. Sans héritiers directs, elle choisit de transmettre son domaine pour qu’il demeure un lieu de culture et de mémoire.
Elle s’éteignit le 10 juin 1954, laissant un testament qui allait bouleverser le destin du château.
Les volontés du testament
Dans son testament, Madame de Forceville lègue le château et ses dépendances à la commune, à condition que celle-ci :
- Crée un musée dans les lieux ;
- Ouvre le château au public ;
- Accueille des œuvres sociales ou religieuses sur le domaine.
Elle confie aussi à la Société Historique et Archéologique de l’Orne (SHAO) la gestion d’autres biens : une forêt d’environ 470 hectares, une ferme et une ancienne usine alimentaire.
Son intention était claire : préserver un ensemble patrimonial vivant, à la fois culturel et naturel.
Le litige : quand le patrimoine devient affaire de justice
Après sa mort, la succession provoque un désaccord entre la commune et la Société Historique.
- La commune estime que la Société n’a pas respecté les conditions du testament ;
- La Société soutient qu’elle agit dans l’esprit même de la donatrice, en privilégiant la conservation sur l’exploitation économique.
La querelle s’envenime : la commune revendique la totalité du domaine, en invoquant une clause du testament stipulant qu’en cas de manquement, les biens reviennent à la commune.
Les jugements d’Argentan et de Caen
- En 1967, le tribunal d’Argentan tranche en faveur de la commune.
- En 1970, la cour d’appel de Caen confirme cette décision.
Les magistrats jugent que la Société Historique n’a pas rempli ses obligations ; la commune du Bourg-Saint-Léonard devient donc propriétaire de l’ensemble du domaine, y compris de la forêt.
Héritage durable d’un don généreux
Ce legs a façonné le Bourg-Saint-Léonard d’aujourd’hui :
- Le château, classé monument historique, accueille visites et expositions ;
- La forêt communale, près de 470 hectares, est gérée durablement ;
- Le souvenir de Mme de Forceville demeure dans la vocation culturelle du site.
Son souhait – « rendre le patrimoine vivant et utile à tous » – continue d’inspirer la commune et les bénévoles qui animent le château.
Pourquoi cette histoire mérite d’être racontée
Ce legs raconte plus qu’une bataille juridique : il incarne une vision du patrimoine fondée sur la générosité et la transmission.
Il rappelle aussi que chaque monument historique résulte de choix humains, de débats, de convictions.
Aujourd’hui, visiter le Château du Bourg-Saint-Léonard, c’est aussi marcher dans les pas de Madame de Forceville, bienfaitrice discrète et pionnière de la sauvegarde du patrimoine local.
Pour aller plus loin
- Archives départementales de l’Orne (AD 61) – fonds notariaux et communaux (testament, jugements)
- Société Historique et Archéologique de l’Orne – Bulletins 1965-1970
- Cour d’appel de Caen, 1970 – Confirmation du jugement d’Argentan
 
					