Le Château du Bourg-Saint-Léonard, emblématique de l’Orne, incarne l’histoire d’une transformation radicale menée par Jules David Cromot au XVIIIe siècle. Ce domaine, acheté en 1756, passe d’un modeste fief à une baronnie prestigieuse grâce à l’ambition de cet homme influent de l’administration royale. Cet article retrace les étapes marquantes de la construction du château et l’évolution de ce site.
Jules David Cromot : Une Ascension Remarquable
Originaire d’Avallon en Bourgogne, Jules David Cromot vient d’une famille anoblie. Cette position sociale avantageuse lui permet, dès ses 21 ans, de débuter une carrière au sein des finances royales, notamment en tant que premier commis des finances à Paris. En 1756, après avoir acquis une certaine aisance financière, il fait l’acquisition du domaine du Bourg-Saint-Léonard pour 108 400 livres, un montant qui inclut 28 400 livres payées comptant et le reste échelonné. L’achat inclut le fief, le vieux manoir, les terres, et l’ensemble des droits seigneuriaux associés.
Dès cette acquisition, Cromot ambitionne de transformer profondément le domaine. Les réparations nécessaires du vieux manoir sont estimées à 20 000 livres par M. Chevotet, architecte de l’Académie royale, mais Cromot voit plus grand : il décide de reconstruire entièrement le château, abandonnant l’idée de simples réparations.
La Reconstruction : Un Nouveau Château au Bourg-Saint-Léonard (1763-1768)
Destruction de l’Ancien Village et de l’Église
Afin de faire place à son projet, Cromot fait raser l’ancien manoir ainsi que l’église paroissiale qui se trouvait à l’emplacement de l’actuelle orangerie du château. Ce vieux manoir, décrit par Dufort de Cheveny en 1748, comportait un rez-de-chaussée avec une grande salle à manger et un salon séparé par un escalier monumental menant à l’étage, où se trouvaient huit chambres. Les pièces étaient ornées de tapisseries, de lustreries et d’immenses cheminées. Après sa démolition, certains matériaux, comme des poutres et des pierres, seront réutilisés pour le nouveau château, liant ainsi symboliquement l’ancien et le moderne.
Le Nouveau Château du Bourg-Saint-Léonard : Un Chef-d’Œuvre d’Architecture Classique
La construction du nouveau château débute en 1763 et s’achève en 1768. Le bâtiment principal se dresse au centre d’une vaste esplanade, flanqué de deux pavillons : une écurie à gauche et une orangerie à droite. La façade présente un avant-corps central imposant avec un fronton triangulaire au sommet, encadré de deux ailes symétriques légèrement en saillie. Le château comporte quatre niveaux : des soubassements, un rez-de-chaussée, un premier étage, et des combles.
Bien que les architectes ne soient pas clairement identifiés, plusieurs noms prestigieux sont évoqués, notamment celui de Jean-Michel Chevotet, qui a probablement supervisé les plans, et Jean-François-Thérèse Chalgrin, intendant des Bâtiments de Monsieur. Cette collaboration possible avec des talents de l’Académie royale confère au château une harmonie et une grandeur qui perdurent.
L’Érection du Bourg-Saint-Léonard en Baronnie
En décembre 1765, le fief du Bourg-Saint-Léonard est érigé en baronnie par lettres patentes du roi, une consécration pour Cromot. Ce titre renforce son prestige et assoit son statut dans la noblesse. Parallèlement à cette reconnaissance, Cromot s’engage dans de nombreuses responsabilités auprès de Monsieur, le frère du Roi et futur Louis XVIII. Nommé chevalier des ordres royaux, conseiller d’État, et gouverneur de la ville et du château d’Alençon, il cumule les honneurs et les charges prestigieuses.
Expansions et Aménagements du Domaine
Dans sa quête d’agrandir le domaine, Cromot acquiert en 1767 les terres et seigneuries d’Argentan et d’Exmes. Il les cèdera en 1776 au frère du Roi en échange des forêts de Gouffey, consolidant ainsi son apanage de chasse. Au fil des ans, Cromot fait du Château du Bourg-Saint-Léonard un lieu privilégié, se distinguant par une gestion exemplaire et des échanges avantageux avec les grands seigneurs de l’époque.
Héritage Spirituel et Historique du Domaine
L’Église Paroissiale : Une Nouvelle Fondation
La démolition de l’ancienne église paroissiale, jadis dédiée à Saint-Léonard et située sur les terres du domaine, symbolise la modernisation du site. En effet, une nouvelle église est reconstruite à environ deux cents mètres du château, dans un style classique et distinct du nouveau château. Ce déplacement sépare davantage le domaine seigneurial des habitations villageoises, un agencement qui marque la volonté de Cromot d’instaurer une certaine distance entre les villageois et la vie somptueuse du château.
Une Vue Majestueuse et des Vestiges d’un Passé Prospère
Le château, situé sur un monticule, surplombe la vallée prospère de la Dives. D’après des descriptions anciennes, cette position offre une vue étendue jusqu’aux confins des falaises, accentuant la grandeur du domaine. De cet emplacement, Jules David Cromot contemplait une terre qui avait été façonnée par des siècles d’histoire et d’ambition seigneuriale.
Conclusion : Un Château en Héritage
Le Château du Bourg-Saint-Léonard est aujourd’hui le reflet d’une époque et d’une transformation ambitieuse portée par Jules David Cromot. En seulement quelques années, il a su faire de ce domaine un symbole de pouvoir, de prestige et d’harmonie architecturale. Son passage au Bourg-Saint-Léonard continue de marquer les mémoires, illustrant comment l’ambition personnelle peut réinventer le patrimoine.
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Sources de l’Article
Cet article a été rédigé à partir des archives de la Société Historique et Archéologique de l’Orne (SHAO), ainsi que de la conférence de Henri et Marie-Hélène Augé, intitulée « Jules David Cromot, de Versailles au Bourg Saint-Léonard », offrant un éclairage approfondi sur les transformations et l’héritage de Jules David Cromot au château du Bourg-Saint-Léonard.
Article écrit par la Normande, passionnée du château depuis plus de 5 ans